Enseignement écris en France au cours du mois d’Avril 2020
Un monde inondé de souffrances
Hier soir, je regardais un reportage sur ces hommes et femmes Ethiopiens et Erythréens qui se faisaient kidnapper dans le Sinaï en Égypte en fuyant leurs pays pour l’Europe. Ils subissaient des tortures inimaginables pour que leurs geôliers puissent récupérer quelques dollars auprès des familles de ces pauvres otages déjà appauvries elles-même par la guerre et la famine. Ce monde est inondé de souffrance. Aucun être ne cause plus de tort aux êtres humains que les êtres humains eux-mêmes. Nous rivalisons, nous séparons, nous nous battons et nous nous faisons du mal de la manière la plus inexcusable, que tout autre être dans ce monde. Aucune autre espèce d’animal ne se divise autant, au point où l’on dit: «Vous êtes des juifs, alors on va vous exterminer, parce que vous êtes juifs.» Les humains volent des espèces ou des cultures entières. Des personnes de religions différentes s’entretuent. Dans ce monde si rempli de dukkha (souffrance), nous devons apprendre à vivre de manière intelligente. Nous devons réévaluer notre sentiment par rapport à ce qui nous entoure.
Dans notre vie, nous pouvons nous servir des événements pour voir la chance que nous avons de vivre dans un environnement relativement sécurisé. Mais sans oublier pour autant que nous sommes de par notre naissance les réceptacles de la vieillesse, de la maladie et de la mort. Nous ne devons pas continuer à vivre comme si cela n’existait pas, mais bien au contraire, à vivre en ayant une conscience aiguisée que toutes ces choses existent. Tout en sachant que tout cela est soumis à l’impermanence.
Nous devons voir ce monde et par là même notre corps et notre esprit rétrospectivement comme étant en changement permanent. Nous pouvons par exemple, observer les relations que nous avons avec nos parents, nos enfants, nos conjoints ou simplement nos amis et comment ces relations au fil du temps ont pu se modifier. Essayez de comprendre que tout ne doit pas être comme nous aimerions que ce soit ou essayer de comprendre que naturellement les relations sont soumises au changement.
Tout est en changement permanent
Comment je peux apprendre des changements qui apparaissent dans ma vie ? Si on prend l’opportunité de comprendre que dans toutes les situations quotidiennes que nous rencontrons, il y a l’impermanence présente. Nous pourrons travailler avec eux au lieu de vouloir les fuir ou les combattre. Mais pour cela, vous devez mettre un espace entre la personne ou l’événement et votre façon d’agir. Ajahn Suchart parle souvent de la perspective ou de l’angle dont nous voyons les choses. Et plus nous mettons de l’espace entre l’événement ou la chose observée et nous-même, plus nous avons une vision d’ensemble, une vision global de la situation.
J’ai remarqué par exemple, que souvent lorsqu’une personne meurt, tout le monde fait son éloge. Tout le monde semble avoir oublié ses traits de caractère les plus sombre. On a une façon très particulière d’occulter la réalité.
Une façon de comprendre la réalité est de voir en toute chose l’impermanence. Il y a une démonstration que faisait Ajahn Chah avec un verre. Il avait l’habitude de prendre un verre et de le montrer aux gens autour de lui et de dire : « Qu’est-ce que je tiens en ce moment ? » Les gens disaient : « un verre ». Alors il disait : « Est-ce que vous voyez les fissures dans le verre ? ». Et les gens ne voyez aucune fissure juste un verre, tout ce qu’il y a de plus normal. Ajahn Chah disait : « les fissures sont déjà là mais vous ne pouvez pas les voir. Pour moi le verre est déjà cassé ». Cela signifie comme vous l’avez compris que tout ce qui vient à l’existence a déjà, en lui, la nature de sa cessation. Il n’y a rien, vraiment rien qui puisse durer. Pour un être éveillé comme Ajahn Chah le verre était déjà cassé. Donc, de penser ou de croire que les choses que l’on a, ou que les relations que nous avons ne changeront jamais n’est pas réaliste. Nous devons changer notre perspective sur les choses que nous croyons comme étant inéchangeables. Nous devons les voir avec une autre perspective. Ne pas nous étonner lorsqu’elles se transforment. Sachez qu’à chaque instant les choses peuvent changer, les gens peuvent changer, les événements peuvent changer. Notre corps et notre esprit peuvent changer. Voilà, notre travail.
Comprendre l’impermanence
Changer la perspective. Pourquoi je suis triste lorsque quelque chose se casse ou lorsque je perds quelque chose ou que mon conjoint me quitte ? Pourquoi je suis triste quand je suis confronté à une souffrance ? C’est parce que je ne comprends pas Anicca ou l’impermanence. Changer de perspective ne veut pas dire dénier voir la réalité, bien au contraire. C’est élargir notre vision des choses. Pas de se perdre dans une émotion, dans une vison cloisonné des choses. Bien ou mal. Bon ou mauvais. Blanc ou noir. Les choses ne sont pas si simples. Pour cela nous devons créer un espace. Si nous pouvons créer cet espace entre notre esprit et les événements qui se passe. Nous verrons des éléments différents. Par exemple, si vous êtes en colère contre quelqu’un, au lieu d’aller le voir tout de suite et de lui exprimer tout ce que vous avez sur le cœur. Vous pouvez peut-être à la place noter tous vos griefs sur un morceau de papier. Et vous dire que demain vous allez lui dire tout ce que vous avez sur le cœur. Vous verrez que dans 90 % des cas le lendemain les griefs contre cette personne auront baissé de 50 à 70 %. Et dans beaucoup de cas vous n’aurez même plus envie d’aller voir cette personne pour lui exprimer votre colère. C’est ce qu’on appelle dans le bouddhisme un moyen habile. Cela signifie que quelle que soit l’émotion que nous avons, nous n’allons pas réagir mais nous allons laisser passer du temps pour que notre perspective se modifie. Le temps que les émotions négatives comme la colère, la jalousie, la tristesse se calme. À l’inverse si nous ne faisons pas ça nous allons augmenter nos émotions négatives, en allant mettre de l’huile sur le feu et entretenir ce feu avec cette personne ou cette situation.
Lorsque je fais une méditation Samatha, je commence toujours par scanner le corps mentalement puis je dirige toute mon attention vers un objet de méditation comme par exemple la respiration. Ensuite peu à peu apparaît une sensation d’éveil. Ce processus mène vers une certaine bienveillance envers mon corps et mon esprit. C’est une pratique simple qui nous mène vers la tranquillité d’esprit et vers le calme du corps. Une fois que notre esprit est dans cet état nous pouvons revoir la situation qui nous a créé de la colère ou du stress. Mais comprenez bien que nous devons d’abord apporter un calme à l’esprit pour pouvoir voir les choses avec une perspective différente. Nous devons donc renforcer à chaque fois notre méditation pour pouvoir créer l’espace nécessaire entre l’événement et notre action.
Nous devons changer notre perspective, en créant de l’espace mais également en essayant de modifier la situation si celle-ci n’est pas tolérable. Par exemple, si vous avez eu une dispute avec une personne après avoir créé votre espace ou votre sas de décompression comme j’aime a l’appelé (cela me rappelle le temps où j’étais instructeur de plongée sous-marine !) vous devez revenir vers cette personne en lui expliquant votre propre ressenti, et j’insiste sur le fait de votre ressenti, et non pas les remontrances que vous avez envers cette personne ou sur l’événement qui s’est passé.
Apprendre à pardonner
Maintenant parlons d’un point important, vous devez aussi apprendre à pardonner, parce que le pardon a un pouvoir cicatrisant. Imaginez que vous vous êtes fait une entaille sur la main, et que vous ne faites rien pour arrêter le sang qui coule et que vous allez même tirer sur les chaires et que la plaie s’ouvre encore plus. Comment cette plaie pourrait-elle se cicatriser de cette façon ? Ce serait impossible n’est-ce pas ? De la même manière, lorsque vous avez un ressenti de colère ou de vengeance ou encore de jalousie pour une personne. Vous devez pardonner de la même manière que vous allez désinfecter la plaie et mettre un pansement pour la protéger jusqu’à temps que cette plaît soit refermer.
Nous pouvons voir également, comment nous nous sentons à chaque fois que nous sommes en colère, ou que nous pensons à nous venger. Est-ce que nous sommes tranquilles, apaisés, en paix avec nous-mêmes ? Ou à l’inverse est-ce que nous sommes énervés, stressés et contrariés ? En répondant à cette question vous savez par vous-même ce que vous devez faire.
Tout le monde sait que face à un événement il vaut mieux garder son calme que s’énerver. Nous comprenons tout cela. Dans la méditation vous allez être face à des situations désagréables, il va falloir apprendre à ne pas réagir à cette situation. Par exemple, vous vous asseyez pour être calme et vous vous apercevez au contraire que votre esprit déborde de pensées, d’émotions et d’idées. Alors vous allez vouloir réagir « il faut que je me calme » ou fuir « j’arrête aujourd’hui, ce n’est pas un bon jour pour méditer ». Mais dans la pratique de la méditation au contraire on va observer. On va observer ce qui se passe. Il faut voir votre méditation comme un laboratoire. Un laboratoire est un endroit où l’on fait des expériences à petite échelle pour observer les réactions. La méditation est donc un laboratoire parce que nous observons sur une petite échelle dans un environnement relativement calme nos réactions face à quelques situations désagréables. Nous allons ensuite mettre en pratique ce que nous avons appris de la méditation dans notre « véritable vie ».
Puisse cette enseignement être bénéfique pour tous.
Par Olivier Sayag
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