Enseignement écrit en Thaïlande au cours du mois de Février 2018
Il y a un point tout particulièrement intéressant et singulier dans le dhamma. Le bouddha nous dit qu’il ne faut pas accepter ce qu’il enseigne par simple respect mais qu’il faut tester et mettre en pratique son enseignement pour voir par nous-mêmes si ce qu’il dit est réel. La vérité quel que soit le temps ou l’époque est toujours la vérité. La réalité n’est pas quelque chose que le bouddha a inventé mais c’est quelque chose qui était là avant le bouddha et qui est toujours là. Parfois les gens me disent : « Au temps du bouddha, c’était différent ! » Je suis en désaccord, car les problèmes humains au temps du bouddha étaient les mêmes que ceux d’aujourd’hui. Bien sûr, chaque époque à ses spécificités. Mais réellement, il n’y a pas de différence entre la société au temps du bouddha et la société d’aujourd’hui. Il n’y a pas de différence entre l’être humain au temps du bouddha et l’être humain d’aujourd’hui. La vieillesse, la maladie ou la mort, le fait de désirer quelque chose que nous ne pouvons pas avoir ou encore le fait de subir quelque chose que nous ne voulons pas étaient présents au temps du bouddha comme ils sont présents aujourd’hui.
Si nous pratiquons correctement nous pouvons expérimenter la libération dans cette vie même, c’est ce que nous promet le bouddha. Cela passe par une compréhension effective de comment fonctionne notre esprit. Car en sachant comment fonctionne notre esprit nous pouvons savoir comment mettre un terme définitif à notre souffrance. L’outil dont nous disposons est la pratique de la méditation. Un des aspects de la méditation est de reconnaître les objets mentaux qui apparaissent dans notre esprit. L’esprit contrairement au corps est quelque chose que nous ne pouvons pas mesurer. Mais nous pouvons observer, étudier les phénomènes qui apparaissent dans notre esprit comme les idées, les imaginations, les bavardages, la mémoire, les émotions. Ce qui peut être frappant quand on commence la méditation, c’est de voir à quel point notre attention se perd dans les phénomènes de notre esprit. Très vite nous croyons que les idées, les émotions, la mémoire sont « nous », « moi », « mien ». Elles m’appartiennent. C’est ce que je suis. Je suis cette pensée, je suis cette mémoire, je suis cette émotion. Et en même temps on peut voir lorsque l’on médite qu’il y a une autre partie dans l’esprit. C’est la partie qui reconnaît ces choses. Ces choses qui apparaissent et disparaissent dans notre expérience peuvent être reconnues. À l’instar d’un spectateur qui regarderait une pièce de théâtre. Quand nous les observons, nous voyons que ces émotions, ces pensées, apparaissent et disparaissent à une vitesse phénoménale. Elles apparaissent à cause de conditions. Souvent ces conditions sont extérieures et sont en dehors de notre propre contrôle. Il est assez flagrant d’observer à quel point les pensées apparaissent en dehors de tout contrôle. À chaque moment des causes et des conditions font naître dans notre esprit, des idées, des émotions, des souvenirs.
Quand nous essayons de contrôler nos idées et nos émotions pour qu’elles soient comme nous voudrions qu’elles soient, nous sommes presque sûre de nous diriger vers la souffrance. La plupart du temps, les idées et les émotions apparaissent à cause d’événements avec lesquels nous avons été en contact. Ces événements entrent en contact avec notre espace et changent la manière dont nous nous sentons.
Nous faisons fausse route, si nous pensons qu’en essayant de changer le monde extérieur nous allons vers le bien-être et la paix. Je ne dis pas que cela ne fonctionne jamais, vous pouvez de temps en temps changer les événements extérieurs mais c’est un peu comme jouer à la roulette russe, parfois ça fonctionne parfois cela ne fonctionne pas. Pour éviter de jouer à la roulette russe, il faut tout d’abord être conscient des évènements qui rentrent en contact avec nous et qui déclenche des idées ou des émotions, c’est-à-dire reconnaître les causes.
Ensuite, on observe uniquement l’esprit qui reconnaît ou comme disent les maîtres de méditation « celui qui sait ». Il reconnait ce qui est en train de se passer avec détachement et sans jugement, c’est surement la partie la plus difficile. Mais peu à peu avec la pratique nous développons cet aspect dans notre esprit qui est de voir les choses avec sagesse, sagesse dans ce cas signifie équanimité. Pour observer de cette façon, nous avons besoin d’une caractéristique singulière, notre esprit doit être stable, immobile quel que soit les tempêtes vers lesquels nous sommes confrontés. La sagesse est de voir que toutes ces idées et ces émotions qui apparaissent auront la faculté de disparaître aussi vite qu’elles sont apparues.
Lorsque nous dirigeons notre attention vers la conscience, cette conscience en elle-même devient notre objet d’observation. On utilise la conscience pour nous observer. Si par exemple, vous observez une scène qui vous plaît vous êtes conscient que cette scène dont vous êtes le témoin vous apporte un certain bonheur. À l’inverse, si vous goûter un plat qui ne vous plaît pas, vous êtes conscients que vous n’aimez pas ce que vous êtes en train de manger. Mais vous allez le faire sans jugement et sans réaction. De cette manière, vous commencez à voir et à comprendre ce qui se passe dans votre monde intérieur.
Si vous êtes débordé par votre émotion, là encore vous devez utiliser la sagesse. Pour cela, vous observez que votre esprit est trop préoccupé, qu’il tourne comme la hamster en cage sur sa roue et que vous perdez le contrôle. Dès que vous vous en rendez compte, vous dirigez votre attention sur Samatha, en portant toute votre attention par exemple, sur un mantra, pour calmer l’esprit. Ajahn Suchart prend souvent l’exemple d’une voiture qui va trop vite. Qu’est-ce qu’on fait dans ce cas-là ? On appuie doucement sur la pédale de frein pour réduire la vitesse et enfin arrêter la voiture avant qu’elle ne percute un obstacle.
Lorsque notre esprit est conscient, on peut voir plus clairement comment il est attiré par ce que nous aimons et rejette ce que nous détestons. Juste le fait d’observer, nous donne un plus grand contrôle sur notre esprit. Car au lieu d’avoir une réaction ou d’agir par habitude ou automatisme, nous agissons en pleine conscience. Parce que nous savons ce qui est en train de se passer et comment notre esprit est en train d’agir. La réaction, c’est d’ajouter une émotion à l’événement qui est en train de se passer. J’aimerais qu’on comprenne bien que « ne pas réagir » ne signifie pas l’inaction.
Nous pouvons ensuite appliquer notre observation dans la méditation à notre vie quotidienne. Souvent dans notre vie quotidienne les événements apparaissent très rapidement, nous réagissons par automatisme et nous ne prenons pas le temps d’observer l’interaction entre notre esprit et l’événement. Prendre l’habitude d’observer ce qui se passe dans l’instant présent pendant notre méditation développera une habitude ou une forme de réflexe dans notre vie quotidienne. Évidemment comme dans toute chose plus nous pratiquons, plus elle sera naturelle et facile à mettre en place face à un évènement parfois brutal. L’équanimité ne se trouve pas dans les pensées, les émotions, les croyances, la mémoire. L’équanimité se trouve uniquement dans l’esprit qui reconnaît, ou « celui qui sait ».
Donc, souvenez-vous d’être toujours attentif à l’esprit. Comment est-il dans l’instant présent ? Est-ce qu’il y a dans mon esprit de l’avidité, de la colère, de la tristesse, de la joie ou toute autre forme d’émotion ?
Nous allons faire un petit exercice. S’il vous plaît fermez les yeux et observez ce qu’il y a dans votre esprit en cet instant. Faites-le sans réfléchir. Vous voyez ? Là, vous êtes en train d’observer votre esprit.
C’est ce que l’on appelle Vipassana voir les choses réellement et directement. Nous pouvons développer Vipassana uniquement lorsque notre esprit est calme et posé. C’est pour cela qu’il faut développer Samatha en amont. Samatha nous donne la force et la stabilité d’observer les choses qu’en temps normal nous ne voulons pas observer. Sans la concentration, nous vivons dans l’illusion parce que nous ne voulons pas voir la réalité en face. Voir la réalité signifie entre autres que nous ne contrôlons rien. Encore une fois, l’enseignement du Bouddha nous met face à la réalité, non pas comme nous aimerions que soient les choses mais comme elles sont réellement.
Si vous êtes conscient lorsque l’avidité, la colère ou l’illusion sont présentes ou alors lorsque vous reconnaissez que l’avidité, la colère ou l’illusion ne sont pas présent, alors là vous pratiquez Vipassana. C’est le fait de savoir, de reconnaître en sachant ce qui est présent dans notre esprit. Mais sans vous identifier à l’émotion que vous êtes en train de ressentir. Vous arrêterez de vous identifier à ces émotions lorsque vous allez comprendre et voir les conséquences qu’elles ont sur vous.
N’oubliez pas à chaque fois que vous pratiquez votre méditation vous devez observer l’esprit. À quoi est-il en train de penser ? Quelles émotions nous ressentons ? Quel est mon attitude ? C’est là que nous pouvons développer la sagesse et garder l’équilibre de l’esprit.
Puissiez-vous atteindre le Nibbana dans cette vie…
Par Olivier Sayag
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